par Loren Cunningham, 2004 (mis à jour en 2012)
Lorsque j’avais sept ans, ma famille et moi avons visité les chutes du Niagara. Je garde une image indélébile de ce que j’ai vu : une péniche, coincée contre un énorme rocher tout au bord des chutes, l’eau se déchaînant tout autour d’elle. Je fus marqué à jamais par l’histoire que j’ai entendue :
Deux jeunes garçons avaient été chargés de surveiller la péniche, attachée en toute sécurité à un quai situé plus haut dans la rivière. La nuit venue, ils s’étaient endormis. Alors que la péniche se balançait doucement, le nœud s’était desserré et ils avaient commencé à flotter vers le bas de la rivière. Les garçons continuaient à dormir… à la dérive… sans savoir qu’ils étaient en danger.
Après avoir atteint les rapides, ils s’étaient réveillés en sursaut. Réalisant qu’ils étaient en danger, ils avaient appelé à l’aide, mais personne n’était réveillé pour entendre leurs cris. Au lever du jour, les gens virent les garçons en détresse, désormais en train de se précipiter vers une mort imminente, mais il n’y avait rien à faire : ils étaient trop près du milieu de la rivière et personne ne pouvait les atteindre à temps. Les spectateurs s’agenouillèrent et crièrent à Dieu de sauver les garçons.
Par miracle, juste avant les chutes, la péniche heurta un énorme rocher et s’y logea solidement. De là, les habitants de la ville purent lancer des cordes et sauver les garçons.
J’ai raconté cette histoire en 2001 à l’équipe de direction mondiale de Jeunesse en Mission, qui s’était réunie au Kenya, pour illustrer mon inquiétude à propos de notre mission: en effet, dans certains domaines nous étions «à la dérive» par rapport à nos valeurs fondatrices ; cette dérive pouvait mener à notre perte. Peu d’organisations sont capables de poursuivre leur vision et leur passion au-delà de la deuxième génération. Même si JEM avait alors 41 ans et comptait plusieurs milliers de participants à plein temps travaillant dans le monde entier, la multiplication future ne pouvait pas être assurée simplement que par cet élan. Nous avions besoin que Dieu nous montre les domaines dans lesquels nous étions partis à la dérive, comment nous en étions arrivés là. Il fallait qu’il nous ré-aligne pour donner un nouvel élan à notre croissance apostolique. Cette préoccupation pesait continuellement sur mon cœur.
Puis, le 13 juillet 2002, Dieu me rassura en me disant qu’en tant que mission, nous avions « touché le rocher ». Il me promit que si nous obéissions à sa correction de trajectoire, il nous donnerait un nouvel élan apostolique. J’avais alors pleuré de gratitude et de soulagement.
Le mois suivant, le Seigneur m’appela à un temps de jeûne et de prière pour JEM. Je lui demandai : « Quels sont les éléments essentiels nécessaires pour retrouver notre élan apostolique ? » Il commença à me faire comprendre les éléments clés de la croissance apostolique. Ils sont expliqués ci-dessous :
Les éléments nécessaires à la croissance apostolique
Les éléments suivants ont prospéré au sein de notre mission au cours de nos quatre premières décennies, donnant lieu à de nombreux nouveaux ministères et au lancement de JEM dans le monde entier, mais dans les années 90, nous avons commencé à dériver dans certains domaines. Je suis convaincu que les éléments suivants permettront de relancer un élan apostolique :
- La liberté dans l’Esprit
- Le rôle des anciens spirituels
- De bonnes relations
Tous ces éléments doivent fonctionner sous la seigneurie de Jésus, en accord avec sa parole et sa volonté.
La liberté dans l’Esprit
Chaque individu, du plus jeune au plus âgé, doit avoir la liberté, dans l’Esprit, d’entendre et d’obéir à la parole du Seigneur. Cette liberté lui permet d’être créatif et d’initier au milieu de nous tout ce que Dieu désire faire.
Nous enseignons aux étudiants : « Vous pouvez entendre la voix de Dieu… mais vous devez aussi lui obéir et faire un pas de foi, lui faire confiance et réaliser l’impossible. » Les étapes à suivre sont les suivantes : (1) Dieu nous donne une révélation, (2) nous interprétons cette révélation et (3) nous appliquons ce que nous avons compris. Nous pouvons parfois commettre des erreurs dans notre interprétation ou notre application, mais ce n’est pas un mal – c’est ainsi que nous apprenons. Souvent, ce sont les jeunes et ceux qui ont peu d’expérience qui entendent Dieu le plus clairement, car ils ne croient pas encore à l’impossible !
Il est important que les individus aient cette liberté, dans l’Esprit, d’écouter et d’obéir à la voix de Dieu, mais écouter ne se fait pas dans le vide ou de manière indépendante. On risquerait alors d’aboutir à la « tyrannie d’un seul ». C’est là qu’une bonne compréhension de comment fonctionne le leadership spirituel est impérative.
Le rôle des anciens spirituels
Les anciens ne sont pas nécessairement plus âgés (Timothée, un jeune, était un ancien et nommait d’autres anciens). Mais les anciens ont une expérience et une maturité spirituelle étendues et profondes, et ils remplissent les critères de leadership décrits dans 1 Timothée 3 et Tite 1.
Les véritables anciens se soumettent à la seigneurie de Jésus et à leurs disciples, en tant que leaders serviteurs. Ils ont la responsabilité de porter à Dieu, dans la prière, toute parole qui leur est soumise par un individu, et de l’examiner à la lumière des Écritures. Cette confiance est sacrée, et ils doivent recevoir cette nouvelle vision comme un grand-parent recevrait son petit-enfant. Le cœur de Dieu est brisé lorsque la nouvelle vision est piétinée par les responsables ; il dit : « Il vaudrait mieux pour vous qu’une meule de moulin soit suspendue à votre cou… » Luc 17 :2
Selon Timothée et Tite, les leaders spirituels doivent être accueillants. Le mot grec pour « accueillant », « xénophile », signifie « un amoureux du nouveau, de l’étrange, du différent ». Ils sont donc ouverts à une nouvelle vision et à des projets pionniers, et demandent à Dieu de « nous montrer si cette parole vient de toi, de nous donner ton agenda et les autres détails de sa mise en pratique ». Ensuite, ils doivent accompagner le groupe dans l’application la meilleure possible de la parole reçue, dans le contexte de l’ensemble.
Permettez-moi de vous donner un exemple : en 1970, une équipe multinationale de JEM eut l’impression que Dieu lui disait d’aller en Afghanistan. À cette époque, les équipes de jeunes à court terme ne faisaient pas ce genre de choses ! Ils me firent part de leurs directives, en tant que leader spirituel. Il aurait été bien facile de leur dire « non, c’est un pays fermé. Les risques sont trop élevés » – d’autant plus que ma jeune sœur faisait partie de l’équipe ! Mais ma responsabilité était de prier à ce propos et Dieu dit « oui ». L’équipe y est alors allée et a fini par y emporter des milliers d’évangiles dans les langues locales. .L’équipe fut arrêtée, mais les juges durent lire les « preuves », c’est-à-dire les évangiles qu’ils distribuaient. L’équipe fut ensuite relâchée et les juges lui demandèrent de continuer à distribuer les Évangiles ! JEM exerce son ministère en Afghanistan depuis plus de quarante ans, sans interruption, au cours de toutes les guerres. C’est le fruit d’avoir honoré la parole de Dieu, quelle que soit la personne à qui elle a été donnée.
Le leadership spirituel est comparable au ministère de Moïse : dans l’Ancien Testament, il se rendait dans la tente d’assignation, où il rencontrait Dieu et l’écoutait parler des affaires du peuple. Il en sortait ensuite pour apporter la parole de l’Éternel. Dans toute organisation, le danger est de laisser les structures dominer et prendre le pas sur l’importance accordée à la rencontre avec Dieu. Lorsque cela se produit, les décisions sont soudain prises en fonction des budgets et de la structure plutôt que de la voix, de la vision et des valeurs du Seigneur.
Je suis d’avis que chaque ministère de JEM devrait avoir un ancien spirituel qui l’accompagne. Même les petites équipes qui partent en mission à court terme devraient identifier les leaders, leur imposer les mains et prier pour qu’ils reçoivent l’onction de Dieu (Actes 13 :1-4 et Exode 40 :15). Ces individus, ainsi que ceux qui servent au-dessus d’eux dans le leadership, devraient prendre au sérieux leur mandat de consulter le Seigneur au nom du peuple et de le bénir (Nombres 6 :22-27).
Il n’y a rien dans ce concept de leadership spirituel qui dise qu’une personne est meilleure qu’une autre. Dieu nous appelle à saluer la dignité, la valeur et l’égalité de chaque personne avec laquelle nous sommes en contact. Que vous ayez un ministère d’apôtre ou un ministère d’aide, tout le monde est égal. Les fonctions sont différentes, mais chaque ministère est égal en valeur à tous les autres ministères.
De bonnes relations
Au cours des années 1970, le concept du rôle des anciens a fait l’objet de beaucoup d’abus au sein du corps de Christ. Un enseignement particulier définissait le rôle d’ancien d’une manière qui sanctionnait un contrôle extrême de la vie et des biens des individus. Dans l’effort de se distancer de ce mouvement, je crois que JEM a trop reculé et a cessé d’exercer un leadership spirituel biblique. C’est l’un des facteurs de notre dérive, qui doit être corrigé.
Les anciens spirituels doivent diriger principalement par la prière, par leur influence et au travers de leurs relations, et non par le contrôle. L’un des principaux moyens d’y parvenir est l’enseignement. Selon 1 Timothée 3, un leader doit être « capable d’enseigner ».
Jésus dit : « Vous savez que ceux qui sont considérés comme des chefs parmi les païens les dominent, et que leurs hauts fonctionnaires exercent leur autorité sur eux. Il n’en est pas de même pour vous. Au contraire, celui qui veut être grand parmi vous doit être votre serviteur, et celui qui veut être le premier doit être l’esclave de tous » (Marc 10 :42-44).
Les leaders qui contrôlent les gens avec des poings fermés produiront des disciples qui un jour leur serreront le poing. Ce type de leadership hiérarchique n’est pas l’autorité du royaume. Il produira inévitablement de la rébellion.
Au contraire, si vous dirigez d’une manière ouverte – en donnant et en servant – vous dirigez à la manière de Jésus. Il a dit : « Le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Marc 10 :45).
Il y a des moments et des situations où les responsables spirituels doivent agir avec autorité, mais ils ne doivent intervenir avec autorité qu’après avoir fait appel au relationnel. Ils doivent s’assurer qu’il s’agit de la bonne bataille (question), au bon moment, et aborder la situation de la bonne manière. Dans ces contextes, il faut mettre en place des structures et des conseils qui tiennent ces anciens responsables de toutes les questions juridiques et financières, « rendant à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
L’autonomie, où chaque personne, ministère ou base travaille de manière indépendante, est un concept non scripturaire. Mais de la même manière, si l’ancien fonctionne en dehors de ces autres facteurs – la liberté dans l’Esprit et les bonnes relations – cela conduit au légalisme et à un leadership hiérarchique qui n’est pas saint.
Un mouvement apostolique s’étiole lorsque ces éléments ne sont pas intégrés : la liberté dans l’Esprit, le rôle des anciens spirituels et de bonnes relations, le tout fonctionnant selon la parole et la volonté du Seigneur. Lorsqu’ils fonctionnent ensemble, ils portent beaucoup de fruits (par exemple, Actes 15). Puisse-t-il en être ainsi pour JEM !